Lyon, 4h30...

Publié le par Oslo

Ce matin, quand le réveil sonne, il est 4h30.
Un peu dans le brouillard, à moitié endormi… on est bien sous la couette, c’est vendredi, dernier jour de taff de la semaine. Mais voilà, c’est l’heure de la sortie du matin ! Je me lève comme un automate, le pipi traditionnel et hop je me prépare. Le Garmin posé contre le rebord de la fenêtre, histoire de choper les satellites le temps que je sois prêt (vivement qu’on déménage à la campagne où il n’y a pas de façades qui gênent…).
4h45 après un câlin à ma fille qui a fait un cauchemar, je démarre. Oh, c’est pas violent. Comme toujours, les 10 premières minutes sont de la mise en route, à peine plus vite que de la marche rapide, même pas 50% de FCMax. La nuit est encore bien incrustée dans les rues de la Croix Rousse. Pas un chat, pas un bruit. La luminosité artificielle et laiteuse des éclairages publics m’accompagne. Je ne sais pas encore où je vais aller, ni combien de temps je vais courir. Je prévois entre 1h30 et 1h50 à vue d’œil mais j’ai envie d’inattendu. Je ne me creuse pas la tête et décide de suivre mes pieds… Comme j’ai de grands pieds, ça leur laisse une longueur d’avance le temps que je me réveille tout à fait.

Après ces dix minutes comme échappées d’un rêve éveillé, je prends mes marques et décide de descendre voir du côté de la Saône. Petits détours au passage, mon esprit est apaisé, ce sont mes jambes qui décident. Les pieds sont comme des coqs en pâte dans des chaussures neuves, ils bombent le torse et roulent des mécaniques mais je sais que dans un peu plus d’1h30 ils feront moins les malins.
Sur les quais de Saône il y a un peu plus d’agitation. Un bus qui attend le client, une voiture ou deux qui foncent vers un improbable ailleurs… Je cours à mon rythme, tranquille, et remonte vers l’amont. Jusqu’à trouver un pont du côté de Vaise pour traverser. Direction la montée de l’observance. Mes pieds et mes jambes ont décidé qu’on allait grimper du côté de Fourvière. La grimpette se fait à rythme constant, les pulsations restent à un bon niveau, tout va bien. Le ciel commence à changer, la nuit s’étire et se craquelle. Aucune voiture, aucun passant, même pas un chat (désolé Miaou), même pas un con de pigeon (tant mieux).

Arrivé sur Fourvière, je m’offre un passage rythmée autour du cimetière puis sur la passerelle. Petit coup d’œil sur la Croix Rousse en face, d’où je viens. Derrière, on aperçoit les lumières des bourgades disséminées sur les monts d’or. Et la luminosité du jour qui frappe à la porte. En approchant de la basilique de Fourvière, j’aperçois des stries de lumière rosées. Il y a un point de vue que j’aime particulièrement ici. Coup de bol, la porte d’entrée pour accéder à la petite esplanade est ouverte. C’est là que nous avions eu un ravito lors du Lyon Urban Trail 2008. Mais ce matin c’est beaucoup plus calme. Je suis toujours seul, je n’ai croisé qu’un autobus depuis que j’ai quitté les quais de Saône. C’est comme si la ville s’était vidée de ses habitants. Cette impression est toujours aussi troublante, même si je commence à en avoir l’habitude. J’arrive près du belvédère, tout au pied de la basilique. Petite pause pour boire un coup et surtout en prendre plein les yeux. Face à moi je vois les Alpes qui se découpent, hachures bleus offrant leurs cimes généreuses à l’azur impatient. Et trônant au milieu de ses sujets, le roi Mont Blanc tutoie des strophes nuageuses osant le rose piquant. C’est superbe. Je reste un petit moment là, le Rhône à mes pieds, et la presqu’île qui clignote en dessous.

Il est 5h30 quand je repars. Un petit passage devant les théâtres antiques de Fourvière qui se préparent pour la prochaine série de concerts nocturnes. Et descente jusqu’à St Georges en ménageant les genoux. Ici je croise deux noctambules à la démarche erratique. Je les entends balbutier des paroles étonnées en me voyant passer en courant. Je m’offre une petite descente de la Saône jusqu’au niveau de Perrache puis remonte de l’autre côté du cours d’eau, jusqu’au niveau de la place des Terreaux. C’est rare de la traverser alors qu’elle est si vide. Nous sommes trois, deux gars qui partent bosser à pied et moi-même… Je ne traine pas. Depuis que je suis redescendu de Fourvière je me suis calé sur un rythme un peu plus élevé que le simple footing. C’est ma séance de « seuil » sans en être. 12 km/h en restant en endurance au cardio, histoire de dérouiller la machine. Je vais ainsi redescendre le Rhône jusqu’au niveau de Perrache encore une fois, traverser le pont. Le soleil a quitté sa torpeur matinale et s’affiche maintenant sans tabou ni complexe. Boule incandescente, à peine troublée par quelques filets nuageux qui dérivent en toute inconscience… Et son reflet qui danse sur une musique sans bruit sur les flots du Rhône généreux... Ensuite il faut emprunter les escaliers qui m’avaient fait serrer les dents lors de l’arrivée de la Sainté Lyon l’an passé ! Une fois sur les quais de Rhône, il suffit d’aller tout droit pour remonter vers la Croix Rousse. Cela fait déjà plus d’1h30 que je cours, faudrait pas en faire trop, la semaine est déjà costaude… Pour autant je prends mon temps, vérifie de rester à environ 70% de FCMax puis quand même, je me teste sur 2 minutes à 85% histoire de dérouiller le diesel qui me sert de moteur depuis quelques mois…

Il est 6h30, cela fait 1h45 que je cours, il est temps de remonter à la Croix Rousse. Les voitures sont plus nombreuses, je croise des coureurs sur les quais du Rhône en approchant du parc de la tête d’or. Je ressens une vague de bonheur qui me submerge. La ville peut se réveiller tout à fait maintenant, mon moment d’égoïste qui voulait en profiter rien que pour lui est passé et bien passé. Je me tape la longue montée de la Croix Rousse en contrôlant la FC et me voilà du côté de l’hôpital. Je réalise que dans une semaine je serais papa une seconde fois et sûrement dans le coin au lieu d’aller courir, à peu près à la même heure, qui sait ?
Cette pensée m’apaise encore davantage. Je suis passé 10ème dan de zen. Comme chaque matin quand je pars dans les rues obscures de Lyon. Seul avec mes 2 bidons de 0,6L que je remplis régulièrement aux fontaines rencontrées au hasard des rues.
6h40 : j’entame les 10 dernières minutes de mon parcours, à l’image des 10 initiales. Retour au calme, la vitesse qui n’était pas bien élevée dégringole complètement. 8 ou 9 km/h et la FC qui redescend pour se stabiliser à 50% de FC Max.
Quand j’arrive devant la porte de mon immeuble, il est 6h50, le Garmin annonce 21km et 2h05, un peu plus de 300m de D+. Pour un peu il donnerait même la température et la pression atmosphérique. En revanche il est incapable de mesurer les vagues de bonheur brut que je reçois encore à travers la tronche. Et ça me rassure, l’horloge humaine a encore de beaux jours devant elle. Je rentre chez moi avec le sourire jusqu’aux oreilles, tellement heureux d’avoir fui la couette 2h plus tôt ! Je ressens cette sensation que vous connaissez tous, celle de l’apaisement après une bonne séance. Et l’avantage de la faire de bonne heure c’est que quoi qu’il arrive maintenant, vous savez que la journée sera une bonne journée. Merci mes jambes de m’avoir fait voir le Mont Blanc aujourd’hui. Vive la course à pied, vive nous ! :P

Publié dans Entrainement

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M
Oh... J'adore ce genre de récit.<br /> Je dis également souvent merci à mes jambes après une sortie matinale même si je ne sors jamais si tôt. J'aimerais mais j'ai un peu beaucoup la trouille de faire de mauvaises rencontres. Mais dès<br /> que le jour se pointe, je laisse un message à mes hommes pour leur indiquer vers quelle direction je pars et je sors.
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M
C'est beau, ça donne envie de faire la même chose dans un Toulouse endormi. De là à quitter le lit plus tôt, il y a un pas que j'ai beaucoup de mal à franchir...
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O
@Arthur : c'est vrai mais à la X rousse aussi c'est sympa :) en fait les 2 se complètent très bien... ce matin j'ai vu encore le mont blanc mais de ma colline cette fois-ci. <br /> <br /> @Pat : over-blog plante de plus en plus souvent, c'est vraiment très pénible... merci en tous cas :)
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P
VIVE TOI !<br /> Merci pour cette magnifique prose !<br /> <br /> <br /> ps: et y'en a marre de OB qui plante à chaque fois que j'essaie de commenter ! PLusieurs jours pour y arriver !
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A
Ah, les pentes de Fourvière c'est du bonheur en barre !
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