Sainté Lyon 08 : pour finir l'année en beauté

Publié le par Oslo

Préambule
Sainté Lyon… Quand on est un béotien en matière de course à pied, cette course est incompréhensible. Je me souviens… Décembre 2005. Cela fait deux mois que je me suis mis à courir. Deux footings par semaine, après plus de 10 ans sans aucune activité physique. Et je tombe sur un reportage qui parle de cette course. 69 kilomètres en courant ! De nuit ! Au mois de décembre ! Mais ils sont tarés les mecs ! J’avoue qu’à cette époque on m’aurait dit « Dans trois ans, tu y seras » je n’y aurai pas crû une seconde. Je n’aurais pas crû que j’allais mordre à la CàP à ce point et devenir passionné au point de prendre le départ d’un truc pareil…
Trois ont passé, je me prépare à y aller à mon tour. Pas d’objectif chrono mais je table quand même sur 8h-8h30… Faut bien se donner une idée… Volontairement je n’ai pas reconnu le parcours, et je n’ai pas étudié attentivement le profil de la course. Je veux tout découvrir pendant la course.

Vendredi 5 Décembre 2008
Dernière journée au boulot. J’avoue que j’ai la tête ailleurs, vers le parc expo de St Etienne. Mais le week-end commence mal : une grosse flaque sous le capot de la voiture et une fumée pas catholique qui s’échappe du moteur en remontant sur la Croix Rousse… Le garagiste n’a pas la pièce en stock, d’ici lundi c’est zéro voiture. Je vais donc prendre l’option SNCF pour rejoindre la ville des verts. Comme tous les jours, je me couche vers 21h30 en vérifiant une dernière fois la liste du matériel à emporter pour le lendemain. 


Samedi 6 Décembre 2008
La nuit n’a pas été si longue que je l’aurais voulue. Ma fille fait ses dernières dents et tousse beaucoup. A 7h30 je me lève et prépare le biberon avant de le lui donner. Son estomac calmé (et ce n’est pas une mince affaire, c’est dingue ce que ça mange à 13 mois !), j’ai un peu plus de répit. Pendant le petit déjeuner, je pense à la course. C’est curieux de devoir attendre si longtemps, le départ est encore tellement loin… Je n’ai pas l’impression d’y être, pas d’excitation, rien…
17h00 : Je n’ai pas pu faire la sieste. Impossible de dormir en début d’après midi. Alors j’ai eu le temps de faire mon sac. Petit exploit, j’ai réussi à tout faire rentrer dedans, camel y compris. Question chaussures, je me laisse encore le temps de choisir : les salomon Trail Comp sont dans le sac, les NB 1061 de route à mes pieds. Un gros bisou à madame et à ma fille qui pleure quand elle me voit partir… Mais allez je suis fort, je claque la porte et c’est parti pour le métro jusqu’à la gare.
18h50 : je sors de la gare de Chateaucreux. Le train est parti avec 30 minutes de retard, mais j’ai largement le temps. Nous sommes plusieurs en chaussures de sport avec le sac sur l’épaule à chercher le parc expo. Je fais le trajet avec un grand costaud, militaire de carrière qui vient de Paris pour la course. Il est bien sympa, on parle du Lyon Urban Trail qu’il a disputé lui aussi quelques semaines plus tôt.

19h10 : j’entre dans le parc expo de St Etienne. J’aperçois le ballon Petzl et les stands comme celui de Raid Light, des gens partout… Oh purée, là ça y est, je réalise que j’y suis ! Ces trois dernières années me reviennent en tête dans un flash de 30 secondes. C’est le temps que je reste là, debout, au milieu de tout ça, seul. Et puis je vais voir mon numéro de dossard puis je fais la queue pour le récupérer. Je retrouve mes copains Taz et Arthur, fait la connaissance de Line. Je suis content de les trouver. Ca va être long jusqu’à minuit et je n’aimerai pas gérer ça tout seul. Et puis même, pour moi une course c’est avec les copains. Faut partager ces moments-là. D’ailleurs Orion39 et Yan42 arrivent et puis c’est Biscotte et Xavier, et même Ana qui fait un passage. On commence à être un petit groupe…


20h00 : j’ai terminé mon repas, deux sandwiches fromage poulet cornichons, j’ai ma dose de pâtes depuis trois jours, je n’en veux plus… Et puis niveau intendance, c’était plus facile d’emporter les sandwiches. Le speaker n’arrête pas de parler, « le parc expo ressemble à Woodstock » déclare une passante. Ouais, y’a un peu de ça. Des concurrents sont allongés un peu partout pour faire une bonne sieste. J’aimerai bien pouvoir faire comme eux mais c’est impossible. Trop de lumière, trop de bruit, je ne sais pas m’isoler. Toutefois j’évite de me disperser. A l’image d’Arthur, je commence à me préparer lentement. J’essaye d’être méthodique pour ne rien oublier. Collant chaud, maillot de corps manches longues respirant, polaire… ouh là cette chaleur. Il fait trop chaud pour l’instant, je reste donc avec mon maillot Odlo sur le dos (en plus ça rime). En fait le plus galère c’est la préparation du camel. La veste imperméable Quechua sera de la partie mais je la roule sur le camel, en la faisant tenir par les passants élastiques. Je pense qu’elle me servira en cas de froid. Car pour la pluie, il semblerait qu’on y échappe. Je me sens bien dans ma tête. Je n’ai pas l’impression qu’on va partir pour 8 heures de course. Je tombe d’ailleurs sur le petit carton étanche que je me suis préparé avec les temps de passage. Côté pile le scénario raisonnable pour franchir la ligne en 8h30, côté face le scénario optimiste pour en finir en 8h00. J’ai un paquet de trucs dans le camel. Faut dire que j’ai fais le choix de me passer des ravitos pendant la course. Je veux être en autonomie complète niveau alimentation. Et ne m’arrêter que pour refaire le plein de la poche à eau. J’ai dans l’idée de ne pas m’arrêter avant Sainte Catherine. Je range donc gels, temps de passage et sporténine dans une poche latérale, mini-sandwiches dans l’autre poche latérale. Dans la poche dorsale interne, tout ce qui craint (lentilles de contact de secours, téléphone, carte d’identité, de la monnaie) et dans la poche dorsale externe ce qui pourra me servir pendant la course (sous gants en soie, piles de rechange, stock de sandwiches).


21h30 : je ne suis pas encore prêt mais il y a encore le temps. Je me balade dans le parc expo, je rencontre beau papa avec les autres bénévoles, je prends un café et discute un moment. De retour avec les copains, Orion, Taz et Yan sont allongés en position repos. Line fait de même. De mon côté je finis mes préparatifs, pas encore décidés sur le choix des chaussures, trail ou running ? Miaou et Yinyin arrivent à leur tour, le pauvre Yinyin a l’air fracassé. Il dort debout après ses 12h de home trainer pour le téléthon. Et derrière il enchaine avec une Sainté Lyon en solo : cet homme-là est un doux dingue… De mon côté je commence à fatiguer, c’est l’heure habituelle où je commence ma nuit. Je vais avoir une ½ heure vraiment difficile…
23h00 : il est temps de poser les sacs à la consigne. Je me suis donc décidé pour les Salomon Trail Comp. Je boucle mon sac et le pose dans le bus, un peu de spéléo mais par chance je trouve une place en haut…
23h15 : le speaker commence à nous faire monter la pression mais de mon côté c’est toujours le calme plat. Le café que j’ai bu commence à me faire du bien, je me réveille doucement. En fait, c’est lorsque nous sortons avec toute la bande que le froid finit de me réveiller tout à fait. Un petit pipi en compagnie de Biscotte et Taz et puis nous avançons. Nous nous retrouvons avec Biscotte, Xavier, Taz et Arthur pas trop mal placés mais la ligne de départ est très large, on a du mal à se rendre compte.
23h45 : J’avale un comprimé de sporténine et j’attends tranquillement, on discute, on échange quelques conneries pour faire passer le temps et puis j’allume le 305 pour qu’il ait le temps de choper les satellites. Il lui faut du temps le bougre, il est un peu diesel, comme moi…
23h59 : le décompte est fait, on va y aller. On se tape dans les mains avec Biscotte, Xavier, Taz et Arthur en se souhaitant une bonne course et puis c’est parti… mais pas trop vite, on marche un peu, pas trop en fait et puis on court.
 
Dimanche 7 Décembre 2008
C’est parti pour 8 kms d’échauffement sur du goudron, et là j’y vais mollo. Devant, Taz est déjà parti avec Biscotte et Xavier. Je suis avec Arthur, nous avons récupéré Line et nous avançons tous les trois à un rythme qui me va bien. Le cardio ne bronche pas, c’est l’échauffement. Côté température, ça va bien. 2 couches sont largement suffisantes car il ne fait pas très froid. Le bonnet et les gants pour compléter la panoplie, et la frontale est pour l’instant éteinte. Je sens un truc taper contre ma cheville. Je pense que c’est ma puce qui se fait la belle. Pas facile de voir en détail une puce noire sur un collant noir dans la nuit… Mais je la devine. Tandis que je me demande ce qui a tapé contre ma cheville, un concurrent me rattrape et me dit que mon sac est ouvert et que tout se casse la gueule dedans. Mince ! Arthur s’occupe de moi, et constate que le coupable, c’est le gobelet plastique individuel que l’organisation nous a donné. Je l’ai accroché au zip de la poche ventrale externe et avec le poids, il est descendu et a ouvert le sac. Je ne prends pas le temps de vérifier si j’ai perdu quelque chose, de toute façon y’avait rien qui craignait ici. Arthur accroche le gobelet à un endroit plus sûr et c’est reparti.

La montée sur Sorbiers se fait tout doux, marche rapide et premier ravito. Je mange un peu toutes les 20 minutes et bois de la même manière, très peu mais très souvent. Par contre je sens qu’il y a un problème du côté de mes adducteurs. J’ai mal. A cet endroit, c’est la première fois, je ne sais pas pourquoi mais j’ai mal. Si tôt après le départ, ça m’inquiète un peu. Je me dis qu’il va falloir serrer les dents mais avec tout ce qu’il reste à faire, je suis pas très rassuré. Mes jambes sont lourdes, je n’ai pas de bonnes sensations, vraiment ça le fait pas. Mais je m’oblige à ne pas y penser, à la place je regarde le paysage ou du moins ce qu’il y a à voir…
Heureusement, après Sorbiers, les premiers sentiers arrivent et c’est pas dommage. Parce que le goudron c’est bien joli mais c’est pas ce que je préfère. Je suis avec Taz, nous avons perdu Arthur mais il ne doit pas être bien loin derrière. Au ravito de St Christo en Jarez, pas de stop, on continue comme si de rien n’était.
La boue est là et bien là, comme on nous l’avait promis. Certains essayent de l’éviter, pour ma part, je ne m’ennuie pas, je vais tout droit et hop, un peu de thalasso pour pas cher… Il y a quand même des passages difficiles car on se contracte pour tenir sur des appuis instables et en fin de course, ça va se sentir aussi… Dans les côtes, on marche, et puis après on trotte. 1 comprimé de sporténine à chaque heure et puis voilà.
Je ne suis toujours pas bien, et mes jambes sont lourdes, toujours ces douleurs étranges aux adducteurs mais ça n’a pas empiré depuis le départ. Lorsque je vois le panneau « Reste 50 kms » je prends un petit coup au moral mais plus à cause de mon état général que de la distance. Je ne comprends pas pourquoi j’ai ces douleurs-là, insolites pour moi. 24h après je me demande si ça peut être dû à mes chaussures, à du stress que je n’avais pourtant pas du tout ressenti ? Je n’ai toujours pas compris en fait…
Dans les côtes je me retourne et vois de mes propres yeux cette image récurrente qu’on associe à la Sainté Lyon : le défilé des frontales… Purée c’est vrai que c’est beau. Ca a quelque chose de magique. Devant soi, à la faveur des virages qu’emprunte l’itinéraire, on aperçoit les lumières de ceux qui nous précèdent. Sur plusieurs kilomètres. Et derrière soi, même topo. Y’a pas à dire, ça fait quelque chose.
Arrive Moreau (le ravito, pas le coureur cycliste) mais là aussi, on ne s’arrête pas. On va descendre sur Ste Catherine et là Taz se lâche alors je le suis. C’est du sentier, c’est bien pour les pieds (ça rime aussi) et je dois avouer qu’on se fait bien plaisir. Taz surveille sa montre, on est sur les bases de moins de 8h à Lyon, mais je trouve que ça va quand même un peu vite. Mon diesel n’est toujours pas chaud. Il ne l’est pas davantage lorsque nous arrivons au ravito de Ste Catherine.

Là on s’arrête. Pas longtemps, juste le temps de remplir le camel, soit un peu moins d’1 litre depuis le départ, soit 28 kilomètres. Je profite des poubelles pour me débarrasser des emballages des gels (des nouveaux gels, de marque, plus chers mais bien plus efficaces que ceux de D4… j’en reparlerai dans quelques jours dans un post de bilan de l’année). Je fais le transfert poche dorsale / poche latérale de quelques sandwiches devant les yeux de bénévoles à qui je dis « Je suis bien content il me reste plein de sandwiches au parmesan ! » (ça aussi ça rimait) et ils se marrent. Nous repartons aussi sec pour la suite des évènements.


La descente sur St Genoux se passe globalement assez bien, notamment la section dans le bois d’Arfeuille. Y’a juste le défilé des relais qui envoient du gros et qui passe à gauche, à droite, c’est un peu chaud par moments. Dans la boue, il y a une ou deux gamelles. A St Genoux, je repense à Arthur et à son C.R. de sa première Sainté Lyon où ici même il souffrait du genou. C’est la dernière petite ascension avant la descente sur Soucieu. Taz et moi marchons de concert, nous poussant pour laisser passer les relais ou même certains solos qui sont plus en forme que nous. Mes douleurs aux adducteurs s’effacent peu à peu. Un sandwich au parmesan, puis un gel qui va bien, toujours un peu d’eau toutes les 15 minutes environ et je retrouve lentement mes sensations. C’est pas encore ça mais je sens que ça va en s’arrangeant. 40 kilomètres d’orage, ça commençait à faire long ! Il serait temps que je retrouve enfin mes jambes si je veux finir correctement…
La descente sur Soucieu est malgré tout un peu longue. Je ne le sais pas encore mais les portions goudronnées de cette descente vont faire des dégâts à mon genou. Heureusement qu’on est resté raisonnables avec Taz. On aperçoit les lumières de Lyon et ça parait à la fois très proche et très loin encore… Et puis j’ai tous ces petits cailloux qui roulent depuis un moment sous mes pieds, au bout de mes orteils, c’est vraiment désagréable.

Soucieu en Jarrest. 5 minutes d’arrêt. Je remplis le camel et prends le temps de boire un coca. Taz est marqué. Il s’assied et fait la grimace. Ses traits sont tirés, le manque d’entrainement spécifique pour cette course se fait sentir. Je cherche des mots réconfortants mais je n’en trouve pas. Je me sens un peu inutile, j’aimerai bien trouver quelque chose à dire pour l’encourager. Et puis Line arrive. Elle s’arrête à peine, nous dit qu’elle est bien entamée et qu’elle a peur de ne pas pouvoir repartir si elle stoppe. On l’encourage puis on repart à notre tour quelques temps après. Les relais qui partent maintenant doivent jouer des coudes pour passer, pas terrible pour eux.
A la sortie de Soucieu, c’est un peu compliqué. Taz a froid, il enfile sa veste. Je l’imite parce que je sens aussi un petit air frais. Faut dire que ça fait un moment qu’on court et qu’il fait toujours aussi nuit. Par bonheur, on a échappé à la pluie, le ciel est presque dégagé, on aperçoit des étoiles. On se remet à trottiner après un moment à marcher. Niveau horaire, on a un peu lâché l’affaire. On calcule que si on n’a pas de défaillance on peut rentrer en 8h30. Taz ne court pas, il trottine, je sens qu’il a du mal. Mais on ne parle pas, difficile moment. Je m’arrête pisser, il revient à mon niveau. Je me demande ce que je dois faire. L’attendre et l’accompagner jusqu’au bout ou partir à ma cadence car je sens que je peux hausser le rythme ? Je n’arrive pas à me décider. Mais je me dis qu’il faut que je vois jusqu’où je peux aller, que je me fasse violence pour tenter de faire les 20 derniers kilomètres à mon allure. C’est vrai qu’on peut encore rentrer en 8h30 mais j’aimerai quand même faire un peu mieux. Alors je vais faire le chien, le traitre, le lâche. Je vais abandonner Taz à son triste sort. Et je m’en veux un peu, mais c’était trop tentant de me payer un morceau de cette Sainté Lyon en égoïste et en solitaire. J’espère que tu ne m’en voudras pas trop Taz…

Je laisse donc Taz et m’enfonce donc en solitaire dans cette nuit. Enfin, en solitaire c’est un bien grand mot parce qu’il y a vraiment du monde. En fait, il y a même trop de monde. La majorité des relais annonce qu’ils arrivent, on se pousse et tout se passe très bien. Mais certains relais passent limite. Je sais bien que nous autres solos les ralentissons mais c’est pas une raison. Y’en a un qui en fichu en l’air un pauvre gars devant moi en le bousculant… La fatigue s’abat sur tous les concurrents, je vois des gars manquer de se flanquer en l’air alors qu’ils marchent sur le goudron. D’autres s’arrêtent pour faire des étirements contre les maisons, les arbres… Plus on se rapproche de Lyon et plus cette course ressemble à des morceaux du radeau de la méduse. De mon côté, j’ai haussé le rythme mais je reste raisonnable. Je ne calcule pas, je gère juste mon effort en me faisant plaisir dans la petite bosse qui permet d’arriver sur Chaponost. Et mes jambes répondent bien. C’est étonnant, j’avais connu sensiblement la même chose sur la Ronde des 1000, un second souffle passés les 40 kilomètres. Je me sens bien et je me dis que je vais pouvoir rentrer en moins de 8h30 et même en 8h20 si tout continue comme ça.
A Chaponost, petite bosse pour monter et descendre jusqu’au ravito de Beaunant. Je sens qu’il va pas falloir mollir, je vois le panneau « Reste 15 kms » et là y’ a comme un déclic dans ma tête. Je me dis « putain ! » (oui des fois je suis vulgaire, surtout avec moi-même) donc je me dis « putain ! 15 bornes c’est que dalle, 1h30 à 10 km/h, peut être un peu plus avec la fatigue mais c’est rien du tout ! »
Je me souviens que j’ai l’iPod dans la poche arrière de mon collant. Tout en courant je l’attrape, je colle les écouteurs dans mes esgourdes et je branche le barda en choisissant une sélection aléatoire de Metallica. Juste pile poil ce qu’il me faut. Et c’est parti pour les premières mesures d’Enter Sandman… C’est marrant mais après cette Sainté Lyon, je n’entendrai plus cette chanson de la même manière. Cette intro avec la batterie et les guitares, ça m’a filé une de ces patates ! Soudain j’ai eu l’impression de ne courir que depuis 3 bornes, je me suis senti léger… Et j’ai envoyé du lourd. 10 bornes de fou, à remonter tout le monde, je crois que pendant ces 10 bornes, il n’y a que trois ou quatre solos qui m’ont doublé. J’étais vraiment dans un état second. Une sorte de rêve éveillé. Je me sentais flotter, je n’avais plus mal nulle part, et j’étais concentré sur un point : la ligne d’arrivée. Je me suis surpris à me taper dans les mains pour m’encourager. J’ai repensé à des moments assez difficiles que j’ai vécus il y a quelques années et j’ai été regonflé à bloc. C’est vraiment extraordinaire ces sensations-là… Le genou droit commence à me tirailler sérieusement mais je n’y pense pas, je me concentre sur des pensées positives.

Dans la montée de Ste Foy, je profite de marcher pour retirer mon coupe vent. En haut de la côte je rattrape Mamanpat a qui j’adresse un petit signe, elle a l’air bien dans sa course. Après Ste Foy c’est la descente qui fait mal au genou droit, ma tendinite du fascia latta s’est bel et bien réveillé. Exactement les mêmes douleurs qu’à la fin du Marvejols Mende en juillet. Tant pis, je descends avec le frein à main, de toute façon, il reste encore quelques kilomètres, autant en garder sous le pied. Et puis je vois que je suis bien en avance sur mon calcul, je suis maintenant sûr de rentrer en moins de 8h30, en moins de 8h20 et même peut être en moins de 8h00. Et surtout je sais que je vais aller au bout. J’aperçois la tour du Crédit Lyonnais, les lumières toutes proches de la ville. Je vois Line juste devant moi, je la dépasse et elle me dit qu’elle commence à fatiguer.
Et puis c’est le panneau « Lyon » et très vite la Saône tout près du tunnel de Fourvière. Je repense à mes séances de seuil de ces dernières semaines qui passaient par là à 6h du matin… Ca me motive, je sens que l’écurie est toute proche. Dans ma tête, les sentiments sont confus. J’ai de l’émotion qui déboule par paquet de vingt, une envie conne de me mettre à pleurer comme un gamin. Je me dis que je suis en train de finir cette course et je repense au regard que j’avais sur cette aventure il y a encore trois ans en arrière quand j’ai débuté la course à pied.



Place Carnot : je remercie les bénévoles qui canalisent les automobilistes impatients et je continue, je sais que c’est encore long, plus que 4 kilomètres nous dit un bénévole. Je me dis que si je ne flanche pas, je dois pouvoir rentrer en 7h45, 7h50… C’est une motivation comme une autre pour ne pas baisse pavillon. On traverse le Rhône et on descend sur les quais. Je m’attends à déguster dans l’escalier mais il n’y a que mon genou qui gueule un peu. Certains joggers courent en sens inverse, ils nous regardent comme si nous étions des extra terrestres. Faut dire qu’on doit avoir des gueules pas permises avec de la boue partout…
Je repère un solo devant moi qui a sensiblement le même rythme que moi. J’essaye de me caler derrière et de serrer les dents. Mon genou me fait vraiment mal maintenant. Mais que c’est long ces foutus quais du Rhône ! Je plafonne à 8,5 km/h cette misère… J’arrête l’iPod, le metal ça va bien cinq minutes, j’ai besoin de calme et je veux entendre les sons de cette arrivée. Je dépasse des solos qui marchent, hagards, et des relais me dépassent à des vitesses supersoniques. Encore un dernier coup de rein, virage à gauche, et là j’aperçois le palais des sports. Au panneau 100 mètres j’entends que ça revient derrière, alors je pense à Arthur et au sprint que nous avons disputé au Lyon Urban Trail. Intérieurement je souris et je hausse le rythme. Je dépasse deux derniers solos et puis je pénètre dans le palais des sports. Là, le changement d’ambiance est terrible. On passe du froid au chaud, de la solitude à la foule. Mais on passe aussi de la lumière à l’anonymat. On quitte les camarades galériens pour redevenir un civil et ça c’est le côté moins drôle.

J’arrête le 305 et je vois 7h41… je suis bien content. Par contre, galère pour retirer ma puce, il doit y avoir un kilo de boue par-dessus. Je la tends au monsieur et récupère mon joli maillot « Finisher », purée il me fait plaisir celui-là ! Je marche jusqu’à une zone sans trop de monde, ce qui est difficile. Je trouve un morceau de mur où je peux me poser pour faire quelques étirements. Je me retourne et vois Line qui arrive. Heureuse d’en finir. C’était dur… On attend un moment les autres et puis on décide de se retrouver après... Faut dire que la douche semble une bonne chose… Je vais récupérer mon sac et croise Biscotte et Xavier qui en reviennent. Petite tape dans la main, tout le monde a le sourire malgré les douleurs. La douche fait du bien ! Je retire mes chaussettes et là c’est l’apocalypse, j’ai une couche de boue de 2 centimètres sur les pieds ! Faut dire que mes Trail Comp étaient déjà un peu abîmées avant le départ. Mais là, les petits trous se sont agrandis et la boue est entrée là dedans sans se faire prier. Je n’éternise pas la douche parce qu’y en a qui attendent. J’enlève le plus gros en attendant d’être à la maison pour en prendre une plus longue.



Je récupère toute la bande et nous nous regroupons dans les loges en attendant que la pression et la chape de fatigue retombe un peu. Nous échangeons nos impressions sur la course en mangeant des noix de cajou (merci Taz). Yan42 affronte la foule pour aller chercher son panier repas, nous attendrons qu’il n’y ait plus personne, vers 11h30 pour aller récupérer les notres. Un coup de fil à Miaou qui est à 15 bornes de l’arrivée, je ne pourrais pas l’attendre. Elle nous informe que Yinyin a abandonné, ce qui ne nous surprend guère après ses 12 heures de home trainer… Et à 12h00 après le départ de Biscotte, Xavier et Yan42, je quitte à mon tour les copains pour partir retrouver la petite famille.


Bilan

Le bilan de cette Sainté Lyon est bon. Seul petit bémol, ma tendinite du fascia latta qui s’est rappelée à mes bons souvenirs. Je pense que l’accumulation de descentes sur goudron combiné à mes chaussures de Trail peut expliquer ce phénomène. A propos de chaussures, je pense que le choix des Salomon Trail Comp n’était pas le bon. J’aurais dû partir avec les NB de running, j’aurais eu plus d’amorti et la fin aurait été plus douce. Peut être même que mon genou aurait tenu plus longtemps. Et je ne pense pas que j’en aurais bavé sur les portions boueuses. D’autres s’en sont très bien sortis ainsi… Mais bon, voilà, c’est fait.
Je suis heureux d’avoir bouclé cette course mythique et je suis très heureux de l'avoir fait avec vous les copains. Mais je ne pense pas revenir courir ici chaque année. Trop de monde, trop de goudron, trop roulant, ça commence à faire beaucoup pour moi. Et puis après avoir couru une première fois, j'ai un temps de référence et j'ai peur de tomber dans l'envie de faire mieux et donc de penser chrono avant tout. Pas le but pour moi... On verra ça plus tard donc.
Maintenant place au repos. J’avais prévu 2 semaines d’arrêt mais avec ma tendinite je vais attendre que ça soit complètement remis. Il m'avait fallu 3 semaines en août... Je veux être en forme début janvier pour préparer 2009 donc je ne vais pas précipiter le retour aux affaires… Il est temps de récupérer et de faire un bilan détaillé sur cette année riche en expériences. Je prépare d’ailleurs quelques articles à ce sujet qui vont suivre au cours du mois…

Temps de passage :
- St Christo en Jarez :     01h42 / 1255ème
- Ste Catherine :              03h03 / 1027ème
- Soucieu en Jarrest :     05h09 / 1044ème
- Lyon                           :     07h41 / 892ème

Publié dans Compte Rendu de course

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P
Le paradoxe du sportif : plus on est "mort" à l'arrivée, plus on se sent vivant...<br /> <br /> Va comprendre Charles...<br /> Bon je n'arrête pas de rêver de la STL, ça va aller là quand même !!!!
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M
C'est clair, 1 semaine apres, j'ai l'impression de trouver beaucoup de chose facile et simple, d'etre "apaisée" comme je l'avais lu dans un Cr cette année :D)))
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O
@Pat @ Miaou : c'est vrai qu'on est dingue mais purée que ça fait du bien à la tête :))))
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M
Pendant la course je me disais : "plus jamais ca" et le soir je me disais deja, " l'année prochaine , avec une bonne prépa , ca devrai le faire" on est des cinglés j'en suis sure!
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P
Si on m'avait posé la question dimanche ou lundi pour une STL 09, j'aurais dit non, je ne vois pas comment je pourrais faire mieux... Les courbatures et le plus gros de la fatigue passés, je me mets déjà à envisagé une sainté d'argent... On est grave quand même !!!!!!!
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